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C'est à l'été 1990 que l'histoire de "Noir et Blanc" a commencé, sorte de petite feuille de chou d'environ huit pages, avec les premiers pionniers entourant Me Lim : Quy Anh, Dohy Hong, Jean-Yves Gourmond et Mohamed Ouadi... Sept petits numéros verront ainsi le jour, des numéros zéro et des premiers numéros 1, vendus dans quelques tournois en région parisienne (Antony, Paris). |
Laurent HIVERT alias Kawasa |
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En février 92, j'entrai dans la danse, partageant avec Me Lim l'ambitieux objectif d'éditer un numéro de 24 pages tous les deux mois. Notre format définitif était né (24 pages A4, sauf pour le dernier numéro), mais nous n'allions pas tarder à ralentir notre rythme de parution, beaucoup trop difficile à tenir : deux, puis trois mois, puis seulement trois puis deux numéros par an, jusqu'à nous affirmer totalement apériodique, même si les numéros sortaient pour les grands événements du go français, tournois et stages. Le prix de vente fut de 15 puis de 20 F, l'argent récolté servant à éditer les numéros suivants et à apporter, plus de sept années durant, du beurre dans les "épinards d'Eugène" (cf. clotorial du numéro 18).
Durant l'année 92, le club de go de Paris nous apporta un coup de pouce, acceptant de figurer comme association éditrice - incontournable pour le dépôt en préfecture et la vente en kiosque, qui n'eut finalement jamais lieu - , mais aussi sous forme d'un prêt d'argent qui lui fut totalement remboursé dès l'année suivante. Puis, au cours du premier semestre 93, "Noir et Blanc" bénéficia d'un soutien notable de la FFG : un exemplaire des numéros 5, 6 et 7 fut offert et envoyé à chaque club de France (une soixante-dizaine à l'époque, crois-je me souvenir). C'est grâce à cette aide que "Noir et Blanc" put dès lors assumer sa totale indépendance, tant au niveau des finances que des idées.
C'est sur la demande aussi indélicate qu'insistante des élus du club de go de Paris de 96 (rappelez-vous) que nous dûmes supprimer la mention "association éditrice : CGP". Me Lim souffrit de ce manque de reconnaissance qu'il prit comme une sorte d'affront personnel. Dès le numéro suivant, le club de Montreuil accepta de jouer ce rôle d'association éditrice, et l'incident fut clos.
Le dernier numéro fut le N°18, il vit le jour au printemps 1998 pour le tournoi de Paris. C'est bel et bien par lassitude que nous prîmes alors la décision d'arrêter cette publication. Nous avions prévu de sortir par surprise un numéro "2000", mais le projet ne vit pas le jour. Me Lim, après différentes périodes de fatigue et d'écoeurement face au peu de réactions que suscitaient ses études, se rendit compte qu'il ne pouvait ni ne voulait cesser d'étudier, et faire partager ses réflexions, et donc de produire, d'écrire, avec des aides diverses pour la mise en page et l'édition : hormis ses contributions régulières pour la RFG, il a beaucoup plus tard publié une unique petite brochure rouge, avant de souhaiter éditer, à nouveau régulièrement, ses analyses les plus récentes dans ces colonnes parisiennes.
Pour ce qui concerne le contenu de "Noir et Blanc", l'objectif que s'était fixé Me Lim était de traiter des parties pros d'actualité de façon synthétique mais détaillée, en publiant un authentique "Monde du Go" - notre sous-titre - dans le but de faire progresser les joueurs "forts" français, reprenant parfois les commentaires parus dans Go-weekly ou dans Baduk, mais en y apportant une forte valeur ajoutée personnelle (avec la force d'étude et de travail peu commune qui le caractérise, lorsqu'il cherche ce qui ne lui plaît pas dans un coup, une séquence, une partie, ou même un commentaire...) et désireux de mettre ses idées en débat. Mais il n'eut que trop peu de répondants.
La technique n'excluant pas des colonnes plus "littéraires", "Noir et Blanc" développa cette dimension originale, relatant histoires vieilles et moins vieilles, ou légendes autour du go et des joueurs, humour et humeurs. Sans compter une intéressante mais trop peu fournie flopée de petits dessins, pas en couleurs... Me Lim ne fut pas l'auteur exclusif; les colonnes littéraires ont été un peu plus ouvertes que les colonnes techniques où Lim s'est parfois senti délaissé. Parmi les contributeurs, écrivains ou traducteurs, épisodiques sur la technique du Go (ou sur "go et informatique"), on peut citer notamment : André Moussa, Pierre Colmez, les frères Hong, Bruno Bouzy, David Wu, Jean-Yves Gourmond, le papa de Dai JunFu, auxquels il faut ajouter les autres contributeurs, auteurs d'articles non techniques, de dessins, et sans oublier ceux qui ont participé aux relectures, éditions, ventes, dont Jean-Loup Gamory, décédé l'an passé, auquel je dédie cette introduction.
Au total, "Noir et Blanc" aura constitué, pour une vingtaine de personnes ayant contribué autour de notre vieil Eugène national, une aventure de près de 8 années, plus de 450 pages traitant de go, soit 25 numéros tirés et vendus entre 200 et 400 exemplaires principalement en France mais pas seulement. Sauf le respect que je dois aux deux légendes vivantes que sont les principaux co-auteurs (HD et JPL) de ses livres aujourd'hui mythiques, je crois pouvoir affirmer que "Noir et Blanc" fut vraisemblablement l'oeuvre écrite à laquelle Lim consacra le plus de temps et d'énergie durant sa carrière de "Maître de go francophone". Et sans doute pas simplement une "petite revue" éditée par le club de go de Paris...
Et pour finir comme au bon vieux temps :
"Bonne lecture des archives comme des nouveautés, et bonjour chez vous !"
René Kawasa |